Témoignage : ma vie d'agent public
Nous inaugurons avec ce numéro de la lettre d'info une nouvelle rubrique de témoignage. Partagez ici votre engagement pour le service public, mais aussi les mille et unes façons dont nous sommes empêché·es de remplir nos missions...
Récit attristé d'un micro-écocide...
par C., agent territorial dans une commune de l'est lyonnais.
Je voudrais revenir sur ce qui s'est passé dans ma commune le dernier jour de l'année scolaire : une journée en apparence de routine, mais qui pour moi est tout sauf anodine.
Ce jour-là les agents d'entretien des espaces verts ont été employés à une offensive "esthétique" d'ampleur, à grand renfort de tondeuses et de débroussailleuses. En effet, notre hiérarchie continue à penser mécaniquement : quand l'herbe commence à dépasser les 15cm, il faut tondre ! Même les méthodes plus douces (débroussailleuse légère tenue assez haut, faux...) sont ignorées. Ils envisagent même de se débarrasser carrément de notre faux, jugée "inefficace".
Après une sécheresse exceptionelle au printemps et trois gouttes de pluie mi-juin, la végétation avait légèrement poussé... Au premier jour des vacances scolaires, le centre du bourg n'allait plus être tellement fréquenté jusqu'à la rentrée de septembre... Y avait-il urgence à raser ainsi les sols ?
L'urgence, c'est d'adapter nos actions sur le vivant (faune, flore) en fonction des conditions météo ; et la canicule record qui a sévi tout l'été n'a fait que le confirmer. Pour garder un sol en bonne santé sans arrosage, il faut laisser un peu de couvert : mieux qu'un paillage, les racines gardent le sol poreux. Les oiseaux y trouvent des insectes... Sous 25cm d herbe, le sol est protégé, il fait 19° ; à 10cm d'herbe, la température est de 24°, et à 1cm d'herbe, le sol grimpe à 40° !
Ce jour-là, c'est donc un micro-écocide que les agents ont dû commettre, même s'il peut paraître symbolique : adieu mantes religieuses , lézards et papillons, place à la croûte de terre à nu. Ces ordres absurdes ont anihilé 99 % de la biodiversité de nos massifs.
Ce que j aime dans mon métier, c est le végétal vivant, et je suis triste de travailler dans ces conditions, alors que l'équipe a le temps et les compétences de faire beaucoup mieux.